En ce moment, pour quelques
semaines et parce que j’ai besoin de sous (vraiment dommage que les véganes ne
se nourrissent pas réellement d’herbe, de pommes de pin et de cailloux), je
fais un boulot à la con. Je suis téléopératrice dans une société de chauffage.
J’ai un casque-micro sur la tête, un truc qui passe l’envie de se coiffer
joliment le matin parce que ça s’accroche et vous tire des mèches dans tous les
sens, mais qui permet d’avoir la paix parce que les gens ne savent jamais très
bien si vous êtes en ligne en train d’écouter quelqu’un vous raconter sa vie, ou
juste en train de rêvasser à un avenir meilleur.
Je prends en majorité des
demandes de dépannage, c’est un peu le bureau des plaintes et des réclamations. Trop froid ou trop chaud, douches glacées ou bouillantes, pannes de VMC et champignons dans la salle de bain, fuites plus ou moins spectaculaires, et puis ceux qui ne peuvent pas dormir parce qu'ils entendent l'eau couler dans les radiateurs ou le bruit de la chaudière située dix étages plus bas... Des gens
gentils, d’autres pas du tout, des patients, des énervés, des lents, des excités, des
bizarres, des malades, des dépressifs…
Une personne sur trois, à la
louche, ne connaît pas par cœur son numéro de téléphone. L’a noté quelque part,
mais jamais à côté de l’endroit d’où elle téléphone, par exemple sur un papier
rangé au fond de son sac à main (les petites mamies) ou dans une pièce de
l’appartement où ça ne capte pas. Il y a aussi ceux qui le connaissent pas bien
mais qui tentent quand même, se mélangent les pinceaux pendant cinq minutes - 69, non, 39, non 69, enfin 79 ! - puis
s’énervent parce qu’on leur fait répéter
Best-of :
« Ben je m’appelle jamais. »
« J’en ai changé l’année dernière. »
« Attendez, je cherche un crayon. »
Pour quoi faire, pour l’écrire sur le mur une bonne fois pour
toutes ?
Il y en a aussi qui ne savent pas
très bien où ils habitent… Ils doivent déménager souvent, en plus de changer
tout le temps de numéro de téléphone… Ou alors ils s’écrivent jamais…
Et puis il y a les gens qui
donnent leur adresse, leur nom ou celui de leur société à toute vitesse, et
refont pareil quand on leur demande de répéter. Si on a pas compris la première
fois, la deuxième ça sera pareil. Et la troisième aussi.
Ceux qui appellent avec la télé à fond, et qui vous font tout répéter. Ou avec les gosses à fond. « Mon chéri, arrête, tu vois bien que maman est au téléphone » (efficacité = zéro), ou version trash, « Putain tu vas la boucler, j’entends rien à c’qu’elle me dit ! » (efficacité = idem).
Ceux qui vous rendent
dingue : ‘Madame, vous n’avez pas besoin d’un dépannage, vous avez bien la
température contractuelle de 19°C chez vous, vous venez de me le dire’. – ‘Mais
je veux que le technicien passe quand même chez moi, j’ai mis le thermostat à
21°C, ça devrait monter à 21°C’. – ‘Mais Madame, je viens de vous dire que vous
n’aviez pas de panne, que vous avez la température prévue dans votre résidence,
c’est réglé comme ça en chaufferie, ça montera pas plus haut, même si vous
mettez votre thermostat sur 35°C’ – ‘Oui eh bien vous dites à un technicien de
venir me régler le chauffage, j’ai mis sur 21°C et j’ai que 19°C’………………
Ceux qui n'ont pas de thermomètre (99%). C'est sûr qu'à 3 euros en moyenne, c'est un gros investissement, comparé à un écran plat ou au dernier smartphone. On tombe alors dans des notions extrêmement vagues de ressentis subjectifs de la température ambiante de l'appartement, à coups de « Je gèle », « Il fait plus chaud chez ma voisine », « Mon bébé a les pieds froids, donc il fait moins de 19°C », ou encore « Je suis obligé de mettre un pull chez moi. » En novembre. Scandaleux, vraiment.
Ceux qui n'ont pas de thermomètre (99%). C'est sûr qu'à 3 euros en moyenne, c'est un gros investissement, comparé à un écran plat ou au dernier smartphone. On tombe alors dans des notions extrêmement vagues de ressentis subjectifs de la température ambiante de l'appartement, à coups de « Je gèle », « Il fait plus chaud chez ma voisine », « Mon bébé a les pieds froids, donc il fait moins de 19°C », ou encore « Je suis obligé de mettre un pull chez moi. » En novembre. Scandaleux, vraiment.
Ceux qui appellent, ne disent
rien pendant 20 bonnes secondes, et ont finalement l’air étonnés de vous avoir
au téléphone. Genre, en fait c’est vous qui les avez appelés, et ils ne savent
pas particulièrement pourquoi.
Ceux qui font des enquêtes
téléphoniques, ont deux de tension et le niveau d’élocution d’un enfant du même
âge, vous posent plein de questions sans intérêt en butant sur les mots (alors
que non de non, ils sont pas censés répéter les mêmes phrases toute la journée ??),
et s’énervent quand vous leur dites que vous n’avez pas le temps et d’autres
lignes qui sonnent.
Et puis le top du top : les affreuses
méchantes aigries qui gueulent dans le fond pendant que le mari ramollo téléphone
(probablement avec le haut-parleur). « Elle est blonde, cette
gourde ? » « Mais elle comprend rien celle-là, c’est pas
possible ! »
Le soir, quand je sors, je suis
toute remplie d’amour pour l’espèce humaine…
très bien vu et très bien écrit, bonne surprise du soir.
RépondreSupprimerMerci Anne-Marie. Ca m'a permis de me défouler un peu :)
Supprimerje ne comprends pas il n'est pas 16h07 le 31 octobre mais 0h08 le 1er novembre, encore un mystère de l'informatique!
RépondreSupprimeret ils votent ...
RépondreSupprimerexcellent ce récit.
RépondreSupprimerMerci :)
SupprimerGénial, j'ai bien rigolé. C'est bien observé!
RépondreSupprimerGénial, j'ai bien rigolé. C'est bien observé!
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