16 décembre 2015

Chroniques #2 : Coming out

Ce qui est curieux avec le véganisme, c’est que souvent, le plus difficile n’est pas de sauter le pas, mais de dire qu’on l’a fait. Faire son coming out, quoi. Sortir du placard.

Alors bien sûr, c’est quand même assez rare de passer directement d’omnivore sans scrupules à végane, même si ça c’est vu, des cas de conversion fulgurante, par exemple après avoir regardé Earthlings ou un autre truc du genre qui vous aura bien retourné le cœur et le reste. La plupart d’entre nous, tout de même, sont passés par la case végétarisme, voire végétalisme avant de faire le grand saut. La transition se fait parfois petit à petit, en éliminant d’abord le cuir, puis les cosmétiques testés, puis ce chandail tricoté par mamie qu’on aimait tant, puis les croissants du petit déjeuner, et ainsi de suite, ou bien d’un coup, sur une impulsion, en éliminant brusquement de son foyer tout ce qui a trait de près ou de loin à l’exploitation animale (bon, pour ça, mieux vaut avoir gagné au Loto quand même).

Si cette transition s’est faite progressivement, votre entourage devrait être plus ou moins préparé, même si ça ne vous empêchera pas d’être informé, en vrac, qu’il faut absolument manger du fromage « pour les omégas 3 » [sic], que le soja rend stérile et que tous les végétaliens ont les dents qui tombent après 40 ans. Votre mère, très attachée à ses pulls en pure laine vierge, vous mettra en garde sur les méfaits des chaussures sans cuir et des couettes sans plumes. Votre grand-mère simulera un malaise lorsque vous lui apprendrez que non, plus jamais vous ne mangerez son célèbre saucisson brioché (ça fait déjà quatre ans que vous êtes végétarien, mais elle fait semblant de ne pas être au courant à chaque fois que vous allez la voir). Les personnes qui avaient plus ou moins accepté de ne pas vous voir manger de viande s’étonnent : « Mais le lait, ça leur fait pas de mal, ça, le lait ? Si ? ». Si.

Et alors si vous y allez d’un coup, là, je vous dis pas, il y a des chances pour que votre liste d’amis sur Facebook fonde comme neige au soleil, ce qui n’est probablement pas très grave. Vous pouvez adapter votre coming out au public visé et à l’occasion : un petit mot sur les réseaux sociaux pour ceux qui en font partie ; un dîner pour expliquer plus en détail aux amis proches ; et un repas de famille pour… la famille, histoire de mettre un peu d’ambiance autour de la galette des rois.

L’avantage de cette explication claire de ce que vous êtes et de ce en quoi vous croyez, c’est d’abord de rendre le véganisme visible. Etre un végane « caché » n’aide pas le reste de la population à prendre conscience de notre existence et de nos valeurs. Et d’autre part, elle facilitera considérablement votre vie sociale, en évitant les explications embarrassantes suivant chaque invitation à dîner ou les cadeaux 100% non véganes que vous devrez accepter par politesse en grinçant des dents.

C’est aussi la meilleure des façons de faire des émules autour de vous. Très honnêtement, il y a peu de chances que vous convainquiez quelqu’un dans la rue juste avec votre beau tee-shirt « Proud to be vegan » rapporté du dernier VegFest. Par contre, en expliquant vos motivations et en discutant calmement avec vos amis et votre famille, il y a de fortes chances pour que chez au moins quelques uns d’entre eux, une petite graine soit semée et que, qui sait, ils décident un jour de tenter à leur tour l’aventure.

Des gens vont probablement disparaître de votre vie, mais d’autres vont apparaître, avec qui vous partagez enfin les choses essentielles, avec qui vous vous sentez, enfin, totalement libre.